Oeuvre artistique de la semaine : La céramique grecque antique
La céramique constitue une des expressions les plus connues de la civilisation grecque. Les Grecs furent céramistes comme en témoigne l’origine même du terme qui vient du grec Kéramos signifiant argile. Les nombreux vases retrouvés depuis le XVIIIe siècle, dans les ruines des maisons particulières mais aussi dans les sanctuaires et nécropoles où ils étaient déposés en offrandes, attestent l’importance de cette activité.
Céramique essentiellement utilitaire, elle fut produite en abondance ce qui n’exclut pas la recherche artistique, l’effet décoratif, aussi bien dans la forme que dans l’ornementation.
Les vases répondent à un usage précis : les pots à anses pour verser l’eau et le vin , ceux à deux anses (amphore) souvent de grande taille pour transporter les liquides, les coupes à boire, les vases à parfums.
Pourtant de matière humble (l'argile), ils ont toujours des formes élégantes, équilibrées, harmonieuses. Le décor joue sur les couleurs noire et rouge obtenues grâce à la cuisson en atmosphère réductrice ou oxydante d’une argile qui contient de l’oxyde de fer.
Normalement rouge l’argile devient noire lors de la cuisson en atmosphère réductrice (apport réduit d’oxygène). Les potiers grecs tiraient de ce contraste des effets d’une extrême variété et ils l’utilisaient aussi bien pour représenter les figures vivantes que pour la simple décoration.
Dès le deuxième millénaire av. J.-C., la Crète produisait une poterie de belle qualité. Celle-ci fut remplacée au début du premier millénaire par la céramique dite de style géométrique qui, comme son nom l’indique, simplifie les formes,- hommes et animaux- et utilise lignes droites, triangles, croix gammées comme motifs décoratifs. Plusieurs centres de production existèrent alors, surtout spécialisés dans la fabrication de très grands vases à usage funéraire.
Ce style fut remplacé entre 750 et 650 av. J.-C. par la céramique corinthienne qui connut son plein épanouissement au VIe siècle. C’est à Corinthe que fut inventé le style à figures noires. Les potiers corinthiens utilisaient une argile jaune pâle, sur laquelle se détachait un décor noir rehaussé d’incisions et de rehauts blancs.
Corinthe est surtout connu pour son décor animalier, organisé en frises (lions, panthères).
Mais ce centre pratiquait aussi le décor narratif, privilégiant les scènes mythologiques (combat d’Hector et d’Achille par exemple).
A partir de 550 av. J.-C., le quartier du Céramique à Athènes devient l’unique centre de fabrication. La suprématie des ateliers athéniens s’exerça pendant deux siècles sur le monde grec, car Athènes exporta largement sa production.
Deux styles de céramique se succédèrent :
De 650 à 550 av. J.-C., le style à figures noires caractérisa l’art attique archaïque. Cette technique consiste à réserver sur fond d’argile rouge les silhouettes et le décor, qui grâce à la cuisson, vont se détacher en noir. Les plis des vêtements sont soulignés d’incisions et de traits blancs. Les potiers et les peintres de cette période commencèrent à signer leurs œuvres (Amasis, Exékias par exemple).
Ils privilégièrent la représentation humaine à l’intérieur de scènes traitées comme des tableaux encadrés de motifs décoratifs (arabesques, palmettes). Il existe une parenté plastique entre les figures noires et la sculpture de cette période notamment par le hiératisme des personnages. Un certain nombre de conventions se remarque : les personnages sont représentés de profil avec un oeil dessiné de face ; les attitudes sont figées.
Les thèmes les plus souvent choisis sont tirés de la mythologie, dieux et héros grecs (Dionysos, Héraclès, etc …).
Dionysos et son fils Œnopion, amphore attique à figures noires, v. 540-530 av. J.-C., British Museum (B 210).
Signature du céramiste Exékias : ΕΧΣΕΚΙΑΣ ΕΠΟΙΕΣΕ (« Exékias m'a fait(e) »), v. 550-540 av. J.-C., Louvre F 53.
Entrée d'Héraclès dans l'Olympe (entouré d'Athéna et de Poséidon). Olpè attique à figures noires de Amasis, 550-530 av. J.-C.
A partir de 550 av. J.-C., les Athéniens inventèrent la technique de la figure rouge. Au lieu de peindre les motifs en noir sur le fond naturel de l’argile, les figures et motifs sont réservés et restent rouges sur le fond du vase noir tandis que les détails sont peints.
Ce n’est que peu à peu à partir de 475 av. J.-C. que cette nouvelle technique élimina la fabrication des poteries à figures noires. Les peintres abandonnèrent alors les conventions archaïques pour adopter un style privilégiant presque exclusivement la représentation humaine. Ils signèrent souvent leurs œuvres comme à la période précédente ; les plus grands noms furent Euphronios, Euthymidès et Phintias.
Les artistes cherchèrent à représenter avec réalisme l’être humain dans ses différentes attitudes et occupations. Ils privilégièrent le mouvement en travaillant plis et cassures des vêtements. Ils cherchèrent à rendre profondeur et volume ainsi que l’expression des émotions. Ainsi ils élaborèrent le style classique caractérisé par l’harmonie des proportions obéissant à une évolution que l’on retrouve dans la sculpture.
La peinture mythologique continua à dominer, mais des sujets plus familiers apparurent (scènes de banquet, scènes d’éphébie, etc…). Le style à figures rouges se maintint au IVe siècle mais la qualité de la production diminua. Les représentations du monde féminin (gynécée, mariage) occupèrent une large place.
Au IVe siècle et à l’époque hellénistique, d’autres ateliers virent le jour, en Italie méridionale (en Apulie par exemple). Mais on assista à un déclin : les vases d’argile tendirent à devenir des imitations de la vaisselle de métal et à perdre tout caractère spécifique.
Les sujets étaient souvent funéraires ou tirés de la mythologie. L’ornementation exubérante (palmettes, feuillages) envahit toute la surface du vase et finit par faire disparaître la représentation humaine.
La céramique constitue un magnifique répertoire de l’iconographie religieuse et mythologique grecque. Une bonne part de la pensée grecque dans son rapport avec un panthéon très fourni est transcrite sur les poteries. Les principaux épisodes des poèmes homériques ont ainsi reçu une illustration, de même que les mythes concernant les dieux grecs et les héros.
La céramique contribua de la sorte à diffuser des images clairement identifiables et à réaliser l’unité spirituelle de ce peuple non seulement en Grèce mais au-delà, puisque toutes les rives de la Méditerranée et de la Mer Noire, tôt colonisées, ont livré des témoignages de cet art.
La céramique permet d’appréhender d’autres thèmes : l’importance de la guerre (armement de l’hoplite), de la jeunesse et de son éducation (l’éphébie) ainsi que des aspects plus quotidiens (le vêtement, le mobilier, le monde féminin).
Et pour tous ceux qui veulent en savoir plus sur la céramique en général, un documentaire indémodable et drôlement constructif : C Pas Sorcier