Œuvre artistique de la semaine : Le Mémorial des animaux de guerre
Commémoration de l'Armistice de 1918 oblige, cette semaine, nous nous sommes intéressés aux monuments aux morts qui ont fleuri en France et ailleurs après la 1ère Guerre Mondiale. Ces monuments sont les témoins visibles de l’Histoire. Ils sont présents depuis le début des années 1920. Ils sont le lieu où se déroulent les cérémonies de commémoration comme celle du 11 novembre et permettent d’entretenir l’hommage collectif aux soldats disparus lors des combats. Ils sont aussi un moyen de rappeler aux consciences des contemporains l’horreur de toute guerre. Mais en tant que création humaine, le monument aux morts est aussi le témoin d’une époque, d’une volonté politique, d’un style architectural et artistique et de codes propres à la période de l’après-guerre.
Mais les hommes n'ont pas les seules victimes de cette guerre. Les animaux aussi. C'est pourquoi en novembre 2004, en présence de Son Altesse Royale, la princesse Anne, a été inauguré le ANIMALS IN WAR MEMORIAL à Londres.
Il a été conçu par le sculpteur anglais David Backhouse. Il y est inscrit « Les animaux dans la guerre. Ce monument est dédié à tous les animaux qui ont servi et sont morts aux côtés des forces britanniques et alliées dans les guerres et campagnes de tous les temps. Ils n'avaient pas le choix. »
Ce mémorial veut rendre hommage aux milliers d'animaux morts pour défendre "leur pays".
Cavaliers français conduisant des prisonniers allemands jusqu’à la ville d’Aniche — William Heinemann/Domaine public
Les animaux sont les grands oubliés de l’Histoire. Héros de l’ombre, ils ont pourtant joué un rôle important au cours de la guerre 14-18. Envoyés au front lors des attaques, utilisés comme moyens de traction et de communication, ils faisaient partie intégrante de la stratégie militaire. Compagnons fidèles, ils partageaient le quotidien des soldats et leur permettaient de s’évader, pour un temps, des horreurs de la guerre.
D’abord célébrés par les soldats, puis relégués au second plan dans l’Histoire, ces animaux sont presque entièrement tombés dans l’oubli. Eux aussi ont pourtant payé un lourd tribut.
On estime ainsi à plus de 8 millions le nombre de chevaux morts pendant la Première Guerre mondiale. Mais les chevaux n'ont pas été les seuls animaux réquisitionnés. Il y a aussi les mules et mulets,les chiens, les chats, et bien sûr, des pigeons voyageurs, mais aussi les éléphants et les chameaux. etc. Tous ces animaux, s'ils n'ont pas toujours été d'une très grande utilité dans les combats modernes, ont au moins eu ce mérite de réconforter les soldats, devenus de véritables mascottes, comme en témoignent différents clichés. Environ 14 millions d'animaux ont été réquisitionnés pour la 1ère Guerre, et environ 30 millions qui le seront pour la Seconde.
Utilisés dans un premier temps par les Français et les Anglais pour charger l’ennemi lors des combats, les chevaux se sont heurtés aux feux impitoyables de l’artillerie et à la froideur des tanks. La guerre de 14-18 a ainsi marqué un tournant dans la manière de faire la guerre, la cavalerie ne faisant pas le poids face aux machines destructrices.
Les soldats ont donc surtout mis à profit la puissance de traction des chevaux, des ânes, des mulets et des bœufs pour transporter les vivres, les munitions et les blessés entre le front de combat et les lignes arrières.
Les pigeons voyageurs ont également pris part à la guerre ; celle de l’information. Pour communiquer avec un front parfois isolé, les pigeons ont apporté leur assistance en entrant dans la guerre, bien malgré eux, volant au-dessus des champs de bataille afin d’acheminer leurs messages. Pour tenter d’obtenir le moindre renseignement de leur ennemi français, les Allemands exigeaient, en territoire occupé, que tout pigeon trouvé leur soit rapporté. Quant au lâcher de pigeons, il était puni de la peine de mort, une peine qui témoigne de leur importance et de leur utilité : les Anglais en auraient utilisé 100 000 !
Les chiens, quant à eux, avaient deux fonctions principales. La première consistait à retrouver les blessés après chaque offensive. Leur seconde mission était informative : en complément des pigeons, les chiens étaient dressés pour porter des messages écrits et des munitions vers des points de ravitaillement. Au total, 100 000 chiens auraient été mobilisés durant la guerre.
Enrôlés dans le conflit bien malgré eux, les animaux partagent la souffrance quotidienne des soldats.
Les chevaux, largement mobilisés dès 1914, vivent un calvaire. De leur réquisition jusqu’à leur envoi au front, le stress les envahit. Les phéromones dégagées par les hommes et les animaux les apeurent. Viennent les détonations, la lumière des canons ; la vision des cadavres de leurs congénères et l’odeur du sang. L’artillerie les frappe, le gaz les ronge.
La maladie ne les épargne pas. En France, où l’on compte 1 million de chevaux morts pendant la guerre, 35 % d’entre eux sont en réalité abattus alors que les maladies les font souffrir et menacent de se propager ; alors qu’il faut abréger les souffrances de ceux qui trainent leurs blessures depuis le front ; alors que les poilus sont en manque d’une nourriture que la viande de cheval peut combler.
La présence des animaux dans les camps contribue toutefois à remonter le moral des troupes. D’après certains témoignages, les soldats n’hésitent pas à qualifier ces compagnons d’infortune de « frères ». Certains animaux deviennent rapidement les mascottes des soldats, comme Tiny, un âne récupéré par les Anglais en Picardie et dont on raconte qu’il appréciait le thé. Des animaux plus « exotiques » sont également conservés à l’arrière des tranchées comme de véritables porte-bonheur ; c’est le cas d’un éléphant qui avait été offert aux soldats allemands par un directeur de cirque, ou d’un lionceau qui veillait sur l’armée de l’air américaine.
En leur mémoire, plusieurs mémoriaux ont été érigés, dans des villes comme Berlin, Bruxelles, Lille ou encore Londres.
Une fois la guerre terminée, beaucoup de « rescapés » ont dû être abattus en raison de leurs blessures, de leur grand âge, ou simplement parce qu’on ne leur trouvait plus d’utilité. En Australie par exemple, sur 13 000 chevaux enrôlés, 15 % ont été euthanasiés à l’issue du conflit car on ne savait pas où les placer. Une bien triste fin pour ces héros de guerre…
Des artistes se sont attachés à mettre en avant le rôle joué par les animaux durant la guerre. Le peintre britannique Alfred James Munnings, passionné par les chevaux, a immortalisé des scènes de cavalerie.
Bien plus tardivement, en 1982, Michael Morpugo publie War Horse (« Cheval de guerre ») . Ce livre destiné aux enfants raconte l’histoire de Joey, un cheval exceptionnel qui se retrouve emporté en plein cœur de la guerre. En 2012, le roman a été porté à l’écran par Steven Spielberg
, ce qui a contribué à raviver la mémoire du grand public sur le rôle joué par les animaux durant la Grande Guerre.
Enfin en 2013, avec Bêtes des tranchées , l’historien Eric Baratay nous invite à se repencher sur la guerre 14-18 du point de vue des animaux.